Lorsque mes parents, montaient la meule de bois, ils tournaient lentement et régulièrement tout autour pour ajuster les morceaux. Bien que minutieux, ce travail semblait assez agréable car je les entendais souvent plaisanter et chanter.
La chanson du charbonnier faisait partie de leur répertoire. Je ne me souviens plus exactement des paroles, mais la chanson ci-dessous, qui serait une chanson du Jura, ressemble fortement à celle que mes parents chantaient.
Catégorie : Charbonnier
L’art du charbonnier – tirage du charbon
Pour profiter de la fraîcheur matinale, c’est dès le lever du jour que mes parents ont commencé à tirer le charbon. Même si le feu a été complètement étouffé, la fournée restitue encore de la chaleur.
C’est toujours par quartier que mon père enlève la terre de couverture, il la dépose soigneusement en bordure de l’emplacement car elle sera encore utile pour les prochaines fournées.
Avec le râteau à grandes dents, mon père commence par tirer le charbon qui émet un son cristallin caractéristique du charbon. Ensuite, il l’étale en cordons concentriques sur l’emplacement de la fournée.
Le charbon est étalé le plus largement possible pour pouvoir repérer toute reprise de feu. Ce qui n’était pas toujours facile car le charbon ne flambe pas, c’était souvent l’odeur ou une fumée légère qui donnaient l’alerte. Bien entendu une réserve d’eau était indispensable à proximité.
Le feu est reparti à partir d’un morceau de charbon et va s’étendre si on n’intervient pas très rapidement.
C’est avec quelques filets d’eau que mon père éteint ce feu, non pas par économie mais pour ne pas nuire à la qualité du charbon.
Lorsque tout risque de feu semble écarté, le charbon va pouvoir être mis en sac.
Avec son râteau, mon père tire le charbon vers un panier fabriqué spécialement pour ce travail.
C’est ce panier à charbon, très ajouré pour ne pas retenir les poussières, qui sert à remplir les sacs. Ils paraissent assez volumineux mais ne pèsent que 15 kgs.
Mon père lace les sacs de charbon. Avant d’être stockés, ils resteront isolés les uns des autres pendant quelques heures, au cas où ils prendraient feu.
On voit bien sur cette photo la forme du panier, à grosses mailles, tenu par ma mère.
Tout risque de feu est écarté, les sacs de charbon sont stockés et resteront encore une journée à l’air libre avant d’être transportés vers l’entrepôt.
Au total c’est 110 sacs, 1.7 tonne de charbon, qui auront été tirés des 21 stères de bois.
Merci beaucoup, de m’avoir suivi dans ce récit.
Pour répondre à certaines questions, je voudrais ajouter que je n’ai jamais perçu ce métier comme difficile, du moins tel que je l’ai vu pratiqué par mes parents. De plus, à partir des années soixante, il est devenu très marginal dans leur activité.
Si mon père à continué à carboniser quelques meules, jusqu’au milieu des années 90, c’était par passion. D’aileurs lorsqu’il partait pour Boblaye, il partait en vacances ! Il prenait son temps pour les travaux préparatoires, le montage et la couverture de la meule. Ensuite ce n’était que de la surveillance de la fournée jusqu’aux phases de refroidissement et de tirage qui étaient plus pénibles.
Pendant la semaine où il fabriquait le charbon de bois, il recevait des amis et il n’était pas rare que des visiteurs viennent le voir et écouter ses explications.
L’art du charbonnier – refroidissement de la fournée
Depuis la veille au soir la fournée est « cuite ». Mon père avait bouché toutes les prises d’air mais il reste quelques mottes partiellement calcinées. L’opération de refroidissement va avoir un double but, étouffer totalement le feu et enlever tous les éléments qui pourraient polluer le charbon.
D’abord, mon père enlève les mottes du pied de la fournée, il intervient toujours par petites zones pour ne pas créer des aérations qui relanceraient le feu dans la fournée.
Une fois les mottes enlevées, on remarque en périphérie quelques morceaux de bois qui n’ont pas été transformés en charbon, les « pietioned » comme les appelait mon père dans un mélange de français et de breton. On aperçoit aussi la fournaise et on comprend mieux la nécessité de bien étouffer le feu avant de pouvoir extraire le charbon.
Avec un râteau à longues dents, il enlève les « piétons ».
Puis, il se sert de sa pelle pour nettoyer soigneusement les abords de la fournée.
Maintenant que le sol est nettoyé, mon père enlève sur la fournée tous les éléments de surface qui pourraient encore se consumer et il les étale sur le sol.
Il intervient toujours par petites zones pour éviter toute réactivation du feu. Lorqu’il enlève des mottes non consumées, on peut apercevoir le charbon, bien qu’il se soit affaissé on retrouve la position initiale du bois.
Mon père ratisse les éléments enlevés pour ne conserver que la cendre qui sera remise sur la fournée. Pour compléter l’étanchéité il rajoutera sur cette cendre une petite épaisseur de terre fraîche et légère. On voit bien sur cette photo la zone recouverte de terre noire.
Mon père récupère la terre fine couleur charbon en provenance des anciennes fournées.
Mon père termine l’opération de refroidissement. Il lui aura fallu un peu moins de trois heures de travail. La fournée va maintenant rester une vingtaine d’heures revêtue de cette couche étanche. Il faudra quand même la surveiller de temps en temps et remettre ponctuellement un peu de terre si nécessaire.
A suivre, le tirage du charbon…