« Ma vie n’a pas commencé » autobiographie de Leny Escudero.
J’ai « dévoré » ce livre qui conforte la bonne opinion que j’avais de cet homme.
Un homme sans compromission, fidèle à ses convictions. Un homme, pour qui, parole donnée est sacrée, même si elle l’amène à refuser des contrats alléchants.
Le récit de sa vie commence à son arrivée à Paris en 1952, l’année de ses vingt ans. Cela m’a un peu surpris.
Mais, je me réjouis de savoir que Leny Escudero écrit actuellement un autre livre qui parlera cette fois de la première partie de sa vie.
De sa vie à Mayenne et de sa petite enfance au nord de l’Espagne où son père s’engage aux côtés des républicains pour combattre le régime franquiste.
Il a écrit sur cette période de guerre une de ses plus belles et plus émouvantes chansons, Vivre pour des idées où il parle de l’engagement de son père.
la chanson Vivre pour des idées
Je ne vais pas raconter le livre. Je dirai seulement que son écriture, vive et imagée, est agréable, qu’il parle de ses premiers boulots avec ses « potes » des travaux publics, de ses rencontres savoureuses, féminines et masculines, de ses débuts difficiles dans le monde de la chanson et du temps de ses premiers succès.
Ce n’est qu’en 1962 qu’il connaît le succès, en pleine vague du yé-yé avec des chansons à contre courant. C’est à cette époque que j’ai découvert ses premières chansons qui m’ont aussitôt séduit, Ballade à Sylvie, Pour une amourette, L’arbre de vie et j’ai bien sûr dansé sur l’air de A Malypense.
« En 1966, après avoir enregistré vingt-quatre titres chez Polydor, et croyant laisser une présence indélébile… » Leny qui doit tant à l’école communale part au Dahomey – aujourd’hui le Bénin – et reprend son premier métier pour construire bénévolement une école.
Comme il le dit, « le bâtiment terminé il nous reste du ciment », il propose son aide pour construire des ouvrages pour récupérer l’eau si précieuse en Afrique. Ensuite il poursuit son tour du monde jusqu’en Amérique latine.Pendant cette période les radios l’ont ignoré.
Quand il revient à la chanson, en 1971, cela fait cinq ans qu’il n’a fait ni scène ni disque. Toutes les portes lui sont fermées, sauf chez Barclay qui lui donne la possibilité d’enregistrer un 30cm « Escudero 71 ».
Je découvrirai plus tard ce très beau disque qui a reçu le Grand prix de l’Académie Charles-Cros et qui contient, entre autres, Le vieux Jonathan, une chanson très émouvante sur un vieil homme qui « aimait aux enfants raconter sa vie » parce que « de sa chienne de vie [il] n’avait eu d’gratuit que l’rire des enfants. »
la chanson Le vieux Jonathan
De mon côté, j’avais perdu de vue Leny Escudero et je ne savais pas ce qu’il était devenu. Jusqu’au jour de 1974 où Christian ,un ami, me dit: « Escudero chante ce soir à Château-Gontier ».
A l’époque j’habitais cette agréable cité du sud de la Mayenne.
Le soir venu, je me retrouve dans la petite salle des fêtes qui avait fait le plein. A part les grands succès de ses débuts je ne connaissais rien de lui, j’ignorai même qu’il avait habité dans le nord du département.
Je m’attendais donc à écouter des chansons de la même veine que Pour une amourette et voilà que je découvre un auteur-compositeur et surtout un interprète inattendu.
Je suis frappé par la sensibilité de ses textes où se mêle tendresse et révolte. De sa belle voix rauque, incomparable, il chante son enfance, ses amours, ses amitiés et dénonce avec force les injustices.
Rapidement il envoûte son auditoire. Les spectateurs sont attentifs. Même si on ne connaît pas les paroles on les comprend très aisément, les belles mélodies qui les accompagnent ne les couvrent pas.
Je découvre ainsi des textes forts comme Le bohémien. Gitan par son père, Leny n’a pas oublié ses origines.
« Il va mourir le bohémienMais, citadins dormez tranquilles
Sa mort n’est pas sur le chemin
Du centre ville
Il marche dès le premier jour
Parce qu’un arrêt le condamne
S’il s’arrête aujourd’hui
C’est pour rendre son âme
Le bohémien, il va mourir le bohémien
Il va mourir, il est mon frère… »
Je découvre encore bien d’autres chansons comme Van Gogh, Pauvre Diable, Le Cancre, Vivre pour des idées et Si j’en ai vu, chansons que j’ai ensuite écoutées et réécoutées.
la chanson Si j’en ai vu
J’ai été conquis par ses chansons et par sa force d’interprétation. Leny ne chante pas, il vit ses chansons et sa voix chargée d’émotions et de sincérité touche le coeur de son public.
Par deux fois, je suis retourné le voir chanter à Mayenne, la ville qui lui a inspiré un de ses plus grands succès à Malypense. Je m’arrangeais pour arriver en avance et avoir des places assez près de la scène pour bien voir les expressions de son visage. A chaque fois ce fût une merveilleuse soirée. Jamais pourtant je n’ai osé aller lui dire mon admiration à la fin du spectacle. Je le sentais si épuisé, après avoir tout donné sur scène, que j’ai toujours préféré ne pas le déranger.Vous l’aurez compris, j’aime beaucoup Leny Escudero. Il a écrit plus de 120 chansons, je les ai presque toutes en 33t ou en CD et je les écoute encore souvent.
Si mon article vous a donné envie de découvrir ce chanteur, comme il est assez difficile de trouver certains disques, je vous recommande une édition spéciale « Itinéraire » qui renferme 40 de ses plus belles chansons en deux CD ainsi qu’un DVD de son tour de chant de 1991.